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Modèle économique marocain : Le débat refait surface à l’occasion d’un rapport de l’OCDE

«La fixité du taux de change par rapport à l’euro se révèle moins appropriée»

Mario Pezzini, Directeur du Centre de développement de l’OCDE et conseiller spécial auprès du secrétaire général de l’OCDE chargé du développement

Comme les autres institutions mondiales, l’OCDE ne déroge pas à la règle, celle d’exhorter le royaume à passer à un taux de change flexible malgré les incertitudes à ce propos. Le modèle économique marocain est appelé à évoluer. Le modèle est d’ailleurs en mutation, la réforme de la compensation et la mise en place de politiques sociales ciblées en sont témoins. La clef est d’inscrire ces réformes dans une vision stratégique.

Les Inspirations ÉCO : Le Maroc est le troisième pays à bénéficier d’un examen multidimensionnel en Afrique après la Côte d’ivoire et le Sénégal. Pour le choix du Maroc ?
Mario Pezzini : Les Examens multidimensionnels sont coordonnés par le Centre de développement de l’OCDE et le Maroc est un pays très actif au sein du Centre de développement, dont il est membre à part entière depuis 2009. Par ailleurs, l’expérience de développement du Maroc dans les dernières décennies est particulièrement intéressante pour les autres pays membres du centre de par la diversification de son économie et sa capacité à attirer des investissements étrangers porteurs.

Durant les trois dernières années, le royaume a connu un débat passionné sur son modèle économique. Quel diagnostic en faites-vous ?
Ce premier volume de l’examen multidimensionnel du Maroc identifie quatre caractéristiques du modèle de développement du Maroc : le rôle affirmé de l’État, la priorité donnée à la recherche de la stabilité, le choix de l’ouverture économique et une politique sociale articulée entre politique de logement social, subventions énergétiques et programmes sociaux pour des populations ciblées, tels que l’INDH. Ce modèle est appelé à évoluer pour répondre à des mutations extérieures comme internes. L’atonie de la croissance en Europe, principal partenaire commercial du Maroc, pousse le pays à chercher d’autres débouchés commerciaux parmi les pays émergents. Dès lors, la fixité du taux de change par rapport à l’euro se révèle moins appropriée. La croissance démographique africaine avec une croissance de la main-d’œuvre de 910 millions de personnes va générer des pressions sur le tissu productif de l’ensemble du continent, y compris du Maroc, or absorber une main-d’œuvre croissante nécessite une transformation structurelle de l’économie. Le modèle est d’ailleurs en mutation, la réforme de la compensation et la mise en place de politiques sociales ciblées en sont témoin. La clef est d’inscrire ces réformes dans une vision stratégique.

La croissance reste hautement liée à la pluie. Comment sortir de cette pluvio-dépendance ?
En effet, la croissance économique marocaine reste fortement dépendante du secteur agricole qui représente 12% du PIB en 2015. Ce secteur a vu sa croissance augmenter de 7% en moyenne entre 2000 et 2007 et 8,4% de 2008 à 2014, tout en observant une réduction de sa volatilité. Ce secteur a un poids très important sur l’économie nationale (40% de l’emploi), ce qui se répercute sur les salaires et la consommation privée. Ainsi, tout changement météorologique fort se répercute nécessairement sur ce secteur et la croissance globale. Plusieurs solutions existent pour sortir de cette dépendance : diversifier l’économie afin que la croissance repose sur davantage de secteurs. 

Quelles sont les principales contraintes à la croissance au Maroc  ?
Il est difficile d’établir un niveau de croissance absolu qui permette d’assurer l’inclusion économique et sociale. Le plus important est d’assurer une répartition équitable et juste des fruits de la croissance.  Toutefois, il faut noter une contrainte importante : la croissance est tirée par l’accumulation du capital et non la productivité. Entre 2000 et 2014, la croissance a été tirée par une forte accumulation du capital. Les contributions du capital humain et l’emploi sont restés faibles. La croissance de la productivité totale des facteurs qui mesure l’efficience globale de l’économie, a été assez élevée entre 2000 et 2007 puis a subi une forte baisse jusqu’en 2014. Au final, le fort taux d’investissement depuis 2000 (environ 30% du PIB) n’a pas permis de rehausser la croissance alors que des pays comme la Malaisie, le Viêt- nam, la Pologne et la Turquie ont connu des rythmes de croissance plus forts pour des taux d’investissements inférieurs. Le premier défi est la formation de compétences.

Le Maroc est-il  prêt à passer à un taux de change flexible pour booster son économie ?
L’évolution vers un taux de change flexible pourrait permettre à l’économie marocaine de mieux s’ajuster face à certains chocs, en particulier des chocs extérieurs. Après la crise de 2009, le Maroc a connu une légère dégradation de compétitivité que la dépréciation réelle du dirham n’a pas pu complètement contrecarrer. Elle a d’autant plus de sens que le Maroc cherche à élargir sa liste de partenaires commerciaux et d’investissement au-delà de l’Europe qui concentre deux tiers des exportations. Le transition vers un régime à taux flexible nécessite des conditions macroéconomiques solides et à cet égard la baisse du déficit budgétaire, la solidité du système financier et l’augmentation des réserves de change sont encourageantes. 


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