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Mémorandum de la Banque mondiale : Le Maroc à la croisée des chemins

Les recommandations de la Banque mondiale : Les voies d’un rattrapage économique accéléré

 

La Banque mondiale émet une série de recommandations pour permettre au Maroc de procéder à un rattrapage économique accéléré à l’horizon 2040. La réalisation des objectifs escomptés passe inéluctablement par l’augmentation durable de la productivité de l’économie marocaine et la promotion du capital immatériel tant humain et social qu’institutionnel.

Modifier le paradigme de développement
Le Maroc est appelé à opter pour un scénario de rupture en s’engageant dans une transformation structurelle et dans un processus de convergence accéléré en l’espace d’une génération. Pour y arriver, il faut une véritable prise de conscience collective que le modèle actuel du Maroc a atteint ses limites sinon les politiques actuelles ne connaîtront pas d’inflexion substantielle et le Maroc se retrouvera dans le scénario d’une lente convergence. La stratégie de développement devra se focaliser sur une augmentation permanente des gains de productivité qui permettrait de doubler le rythme de la convergence du Maroc vers les pays d’Europe du Sud. Cela nécessite de donner la priorité à l’investissement dans le capital immatériel. Il faut ainsi redoubler d’efforts pour accumuler davantage de capital immatériel humain, institutionnel et social dont la part dans la richesse totale est passée de 70% au début des années 2000 à 65% en 2011, soit un taux équivalent à celui des pays à revenu intermédiaire élevé. La Banque mondiale recommande au Maroc de stopper cette tendance baissière pour converger vers les richesses des pays les plus avancés. Sur la base de la composition de la richesse actuelle des pays vers lesquels le royaume souhaite converger en 2040, le Maroc devra augmenter la part de capital immatériel dans son capital total de l’ordre de 10 à 15 points de pourcentage. En complément à cette priorité, la Banque mondiale recommande la révision des politiques sectorielles qui, en dépit des efforts déployés, «peinent à donner des résultats, à monter en régime et à placer le Maroc sur un sentier de croissance durablement plus élevé». La stratégie de développement devrait se concentrer davantage sur ce qui conditionne un développement endogène et holistique du secteur privé.

Une plus forte intégration du Maroc dans l’économie internationale
Le Maroc est appelé à tirer pleinement avantage de sa stabilité politique et de sa proximité avec l’Europe ainsi que de sa «relative» attractivité pour les investissements pour faire de son intégration économique dans l’économie mondiale un avantage compétitif décisif lui permettant de réaliser un rattrapage économique rapide et inclusif. Le pays doit accroître sa capacité d’exportations des biens et services. Aussi, le secteur des biens échangeables doit-il se développer et contribuer davantage à la croissance. Le Maroc doit aussi envisager l’adoption d’un régime de change plus flexible afin d’améliorer les chances de croissance durablement plus élevées et tirées par la productivité et les exportations. Il devrait, parallèlement, poursuivre l’assouplissement de ses contrôles de change pour permettre la pleine convertibilité du dirham. Cela exige l’élimination des principaux contrôles encore en place pour l’achat de devises étrangères qui freinent le développement des entreprises nationales et étrangères. Pour la Banque mondiale, le passage à un régime de change flexible et la convertibilité du dirham auraient, par ailleurs, l’avantage de redonner à la politique monétaire toute son autonomie pour influencer l’activité réelle en fonction des divers chocs. Sur un autre registre, le Maroc devrait améliorer le régime commercial et les politiques liées à la facilitation du commerce : abaissement des barrières commerciales, révision des mesures non-tarifaires, libéralisation du commerce agricole, amélioration de la qualité de l’ensemble des services import-export au niveau portuaire…Il est aussi recommandé d’améliorer le régime d’investissements étrangers en faisant progressivement disparaître les restrictions ayant trait à la participation étrangère aux fonds propres dans tous les secteurs à l’exception d’une liste de secteurs ayant un niveau élevé de pouvoir monopolistique. Il faut veiller, en même temps, à ce que les incitations utilisées pour attirer les investisseurs étrangers n’empêchent pas l’intégration locale. Le Maroc devra se pencher également sur la mise en place d’une politique plus cohérente visant à améliorer la gestion foncière et à sécuriser les droits fonciers. Dans le cadre de la négociation d’un accord de libre-échange approfondi et complet avec l’Union européenne, il s’avère nécessaire de mettre à niveau les règles et réglementations du Maroc dans de nombreux secteurs.

Renforcer l’État de droit et la justice
Il s’avère indispensable de renforcer les institutions et les services publics à commencer par le respect de la règle de droit et de justice qui passe en premier lieu par la mise en œuvre effective des droits prévus par la Constitution et la charte de réforme du système judiciaire. Les nouvelles lois doivent être conformes à l’esprit de la Constitution et accompagnées dans leur mise en œuvre par des dispositions appropriées. Il faut également mieux protéger les personnes à travers la consolidation de ce principe dans les faits, renforcer le système d’aide juridictionnelle et instaurer un meilleur contrôle de recours à la détention provisoire pour mieux garantir l’égalité d’accès aux services de la justice. Par ailleurs, la protection des biens, notamment le régime foncier permettra d’améliorer profondément la situation actuelle qui peut représenter un frein pour les opportunités d’investissements. À cela s’ajoute l’impératif de mieux protéger les contrats à travers un diagnostic approfondi des procédures et des processus d’exécution en vue de permettre une amélioration et une uniformisation des performances des tribunaux en la matière. Il s’agit d’un facteur important d’encouragement de l’activité économique.

Moderniser et moraliser l’administration publique
Le Maroc a entrepris des réformes de l’administration publique qui «sont restées inachevées». L’objectif est de mettre en place une administration publique plus productive. Les pouvoirs publics doivent réussir le pari de la décentralisation et de la déconcentration. L’effort de la modernisation de l’administration nécessite une refonte globale du statut de la fonction publique pour reconnaître l’emploi comme élément central du processus de gestion et de promotion des ressources humaines et procéder au recrutement selon un besoin clairement défini. La gestion de performance des agents devrait être orientée vers les résultats en mettant en œuvre un cadre unifié permettant d’identifier et de classer les différents niveaux de performance. En outre, la réforme des rémunération des agents s’impose ainsi que le renforcement du capital humain au sein de la fonction publique.  Le gouvernement devrait également réduire les coûts de fonctionnement de l’administration publique afin d’en améliorer l’efficience et envisager une administration 2.0. Il faut aussi ériger la lutte contre l’absentéisme en priorité car le fléau fait obstacle à l’accessibilité et à la qualité des services publics. Un autre défi est à relever : l’amélioration d’une bonne gouvernance des services publics au Maroc. Les indicateurs globaux démontrent les performances inégales du Maroc par rapport aux autres pays à revenu intermédiaire et faible. Il s’avère nécessaire de donner la parole à l’usager-citoyen, lui simplifier et rapprocher la décision, d’informer et rendre des comptes…

Renforcer le capital humain
La constitution d’un capital humain passe inéluctablement par un investissement dans la santé et l’éducation, notamment. Pour la Banque mondiale, le rééquilibrage des investissements au Maroc vers le capital immatériel, notamment le capital humain, constitue l’une des conditions du rattrapage accéléré du pays vis-à-vis des pays d’Europe du Sud à l’horizon 2040. «À travers le concept du capital humain s’ouvre donc toute une gamme d’investissements autour des axes majeurs de l’éducation, de la santé et du développement de la petite enfance». Il est impératif de valoriser davantage «tous les talents de tous les Marocains» dès la petite enfance qui nécessite un investissement particulier. Actuellement, le développement de la petite enfance au Maroc demeure caractérisé par des carences et des inégalités considérables qui constituent un obstacle de taille, même s’il est largement immatériel et invisible, au développement économique et social du pays. Il apparaît clairement qu’un long chemin reste à parcourir pour renforcer le capital humain. Dans le domaine de l’enseignement, à titre d’exemple, en supposant que le Maroc parvienne à déclencher une dynamique d’amélioration similaire à celle des nations les plus performantes, il lui faudrait une trentaine d’années avant d’égaler le niveau d’apprentissage observé actuellement dans des pays émergents comme la Turquie. Par ailleurs, l’insertion des jeunes dans la société est toujours dans le rouge. Le Maroc est confronté à répondre aux aspirations des jeunes à un emploi et à un niveau de vie qui puisse se rapprocher rapidement de celui des pays avancés.

Transformer l’école
La dégradation continue de l’école publique constitue un phénomène préoccupant pour un pays comme le Maroc qui aspire à l’émergence économique, comme le soulignent les experts de la Banque mondiale. Pour maintenir une croissance positive à long terme, le Maroc n’a pas d’autre choix que d’augmenter sa productivité et donc le niveau d’éducation de sa population. Le Maroc doit relever le défi de la qualité de l’enseignement qui a certes connu des progrès remarquables en termes d’équité et de parité, mais le système éducatif continue d’accuser un retard considérable en termes de performance. Dès maintenant, le Maroc est appelé à prendre des mesures fortes afin de réaliser un «véritable miracle éducatif» en réduisant progressivement l’écart qui sépare les résultats des élèves marocains de ceux des élèves des autres pays émergents. Cette ambition devra se réaliser dans un horizon de moyen et long termes. Pour cela, il faut résorber les inégalités scolaires, dispenser un enseignement de qualité et améliorer les compétences de l’enseignant et sa motivation (révision de son statut). La réforme doit reposer sur quatre priorités : moderniser l’écosystème éducatif, adopter une nouvelle gouvernance de l’école publique, promouvoir des choix éducatifs alternatifs et utiliser les technologies de l’information et de la télécommunication. L’écosystème éducatif devra être modernisé (curricula, méthodes d’enseignement, soutien scolaire). Une réforme en profondeur de la structure de l’école publique doit être opérée. L’autonomie de l’école devrait être grandement renforcée.

Investir dans le capital santé
Le bilan général de la santé au Maroc est en demi-teinte. Pour améliorer le secteur, une intervention publique est nécessaire. L’offre et la qualité des services de santé devraient pouvoir évoluer et s’adapter à la demande. Les efforts visant l’extension de la couverture médicale doivent se poursuivre, ce qui implique une adaptation de l’offre de soins de santé et l’adoption par les diverses parties prenantes d’une vision globale cohérente tenant compte des diverses modalités de couverture actuelles. L’harmonisation des régimes existants et à venir est une autre dimension importante qui nécessite la mise en place d’un panier de soins essentiels et des prestations universelles. La Banque mondiale recommande aussi d’améliorer l’efficacité allocative en investissant davantage dans la santé, de prioriser les soins de santé primaires ainsi que la prévention et de renforcer la gouvernance du système qui ne fournit pas actuellement les incitations nécessaires pour promouvoir l’efficacité et la bonne gestion des ressources et assurer un meilleur accès aux soins. Il est recommandé une refonte institutionnelle dans le secteur à travers une réforme organisationnelle (décentralisation) ainsi que la mise en place d’un système d’information et de gestion sanitaire intégré.

Promouvoir l’égalité
Malgré les progrès considérables au cours des dernières décennies pour assurer et garantir l’égalité des sexes, les inégalités et discriminations persistent encore, notamment sur le plan politique et économique. Pour renforcer son capital social, le Maroc est appelé à promouvoir une participation pleine et égale des femmes et des hommes, des garçons et des filles à tous les niveaux de la société marocaine. Il faut accroître les opportunités des femmes sur le plan économique en facilitant leur sortie de l’agriculture et d’autres services à faible niveau de productivité, en élargissant le type d’emplois accessibles aux femmes et en abattant les barrières légales et sociales (insécurité du transport, manque de crèches, accès limité à la finance). La Banque mondiale estime nécessaire d’encourager l’émancipation, la liberté d’action et l’autonomie des femmes car les discriminations n’ont pas disparu du cadre juridique ou de la Constitution elle-même. Le Maroc est appelé à poursuivre la modernisation du cadre légal notamment en matière de Code de la famille : une plus grande égalité des droits liés au mariage et au divorce (donner aux femmes le droit de divorce unilatéral, uniformiser les droits pour transmettre la nationalité aux conjoints…), égalisation de la distribution des actifs économiques liés au mariage et à l’emploi… Il conviendrait aussi de systématiser la prise en compte du genre dans l’action politique pour réaliser dans les faits l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes. La Banque mondiale pointe du doigt les règles en matière d’héritage et de propriétés matrimoniales, le mariage des mineures qui demeure répandu ainsi que certaines discriminations juridiques (divorce, obtention du livret de famille…). 


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