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Il faut recentrer les académies sur leur cœur d’activité

Mohamed Aderdour :  «Il est temps d’externaliser la gestion des infrastructures»

Mohamed Aderdour, Directeur de l’académie Rabat-Salé-Kénitra

Le rôle des AREF, leur gouvernance financière, les limites de gestion de ces établissements, les pistes de réforme…Autant de sujets sur lesquels s’exprime le directeur de l’académie régionale de l’Education et de la formation de Rabat-Salé-Kénitra Mohamed Aderdour.

Les Inspirations ÉCO : Quel est le rôle des académies dans la réforme de l’enseignement escomptée et est-il normal que le rôle pédagogique des AREF soit marginalisé dans la réforme ?
Mohamed Aderdour : L’AREF qui est un établissement public exerce bon nombre d’attributions dont la gestion du système pédagogique régional, la mise en œuvre de la politique de l’éducation et de la formation dans la région, la supervision des établissements scolaires dont ceux du secteur privé… Aujourd’hui, le directeur de l’académie, qui est doté d’un gros budget, dispose de larges prérogatives. Les académies font presque tout. On peut même dire que 80 % des attributions du ministère sont aujourd’hui entre les mains des académies (gestion des ressources humaines, carte scolaire, mise en œuvre des programmes et curricula, organisation des examens…).

Mais, ne trouvez-vous pas que votre marge de manœuvre au niveau des programmes et curricula est très limitée ?
Tout ce qui a trait aux apprentissages se fait au niveau de l’académie qui n’a pas le droit de changer le programme. Dans tous les pays, la déconcentration a des limites. Il faut dire que la politique de l’enseignement a ses propres spécificités. Les objectifs doivent être unifiés à l’échelle nationale. On ne peut pas octroyer davantage d’attributions aux académies à ce niveau-là. L’élève est formé sur la base de principes stipulés par la constitution qui garantit le droit à un enseignement de qualité à tous les Marocains. Les curricula sont arrêtés au niveau du ministère. Mais, le suivi de leur mise en œuvre se fait au niveau régional. Le directeur de l’académie est responsable des résultats scolaires. Il faut préciser que les examens sont organisés sur le plan régional mis à part l’examen national du baccalauréat. A cela s’ajoute la gestion des ressources humaines (examens professionnels, promotions, absences…) qui est une mission régionale.

Dans la gestion des académies, ne pensez-vous pas que le volet technique relatif aux investissements et équipements prend le pas sur la mission pédagogique ?
En raison des problèmes que connaît le secteur, les gestionnaires sont plus noyés dans le volet technique que pédagogique. Il est temps,- après l’évaluation de cette expérience dans le cadre de la régionalisation avancée-, d’élargir la marge de manœuvre des académies en ce qui concerne les affaires pédagogiques. Nous sommes absorbés par la construction et l’équipement des établissements, des internats et des cantines ainsi que par le transport scolaire…En effet, plusieurs attributions limitent la marge de manoeuvre des académies sur le plan pédagogique. Il est temps de confier la gestion des infrastructures à une autre partie qui pourrait être une agence spécialisée dans l’exécution des projets à l’instar des régions. On pourrait même, dans le cadre du renforcement des partenariats, confier cette opération à la région pour que l’académie puisse se concentrer sur le métier de base.

Ce souci est-il présent dans les débats ?
Oui. J’ai déjà soulevé cette question auprès des ministres de l’Education nationale qui se sont succédé. Ce qui nous préoccupe le plus au niveau des académies est plutôt technique que pédagogique. Mais, cela ne signifie pas que nous n’avons rien fait sur le plan pédagogique. Le responsable doit, en effet, faire en sorte de régler les questions techniques tout en étant responsables des apprentissages. La responsabilité du suivi des constructions est une charge pensante pour le gestionnaire. Il serait mieux d’externaliser cette mission.

Les ressources humaines dont disposent les AREF sont-elles suffisantes pour gérer les différentes missions notamment celles à caractère technique ?
Le ministère a investi depuis longtemps en la matière. Historiquement, c’était le ministère des travaux publics qui prenait en charge la mission des infrastructures dans les années 1960 et 1970. Dans les années 80 marquées par la vague de la généralisation de l’enseignement, il fallait construire des milliers d’établissements même dans les régions les plus reculées et difficiles d’accès. À la fin des années 80 et au début des années 90, le ministère de l’Éducation nationale a procédé à une vague de recrutements des ingénieurs et techniciens qui ont joué un rôle on ne peut plus important dans l’équipement notamment des zones montagneuses et difficiles d’accès. Ces ingénieurs travaillent dans les académies. À titre d’exemple, ils sont cinq à l’AREF de Rabat-Salé-Kenitra outre sept ingénieurs spécialisés en génie civil dans les délégations et un total de 25 techniciens.

Quid de la gouvernance financière des académies surtout que la Cour des comptes avait épinglé les AREF ?
C’est un dossier qui a suscité beaucoup de critiques. Ce qui est normal en raison de la spécificité du secteur. Mais, je pense que la plupart de ce qui ce dit n’est pas vrai. On peut adhérer à une partie des critiques. Il y avait, en effet, des dysfonctionnements et des erreurs de gestion qui sont dues parfois au manque de connaissances approfondies des dispositions des textes juridiques ou à la pression du temps car tout doit être prêt pour la rentrée scolaire. Je ne suis pas en train de justifier les dysfonctionnements ou de défendre quelqu’un. Les rapports qui ont été établis sur les académies attirent l’attention sur nombre d’insuffisances en matière de gestion. Jusque-là, il apparaît que les erreurs ayant été commises ne rentrent pas dans le cadre des actes punissables par la loi. Je ne veux pas faire des déclarations qui pourraient impacter des dossiers en cours d’instruction par la justice.

Comment améliorer  la gestion financière des AREF?
Le plan d’urgence nourrissait de grandes ambitions avec de gros moyens financiers à déployer dans un délai très court. Mais, cette ambition n’a pas été accompagnée par une période préparatoire. Les académies ont travaillé avec des cadences différentes. Celles ayant de bonnes équipes ont pu avancer, mais les autres ne sont pas parvenues à réaliser leurs programmes. Le budget de ces académies a été reporté. Je pense qu’il fallait dispenser aux ressources humaines une solide formation. À la différence des autres secteurs, nous n’avons pas une structure pour former les gestionnaires. Le département de la santé, à titre d’exemple, a des instituts pour la formation des administrateurs du secteur. Ainsi, notre secteur a besoin d’ouvrir des cycles de formation des gestionnaires notamment en management.

La contractualisation va-t-elle  déteindre sur la qualité de l’enseignement en raison de la courte période de formation des enseignants contractuels ?
Le recrutement des enseignants se fait après avoir réussi les épreuves écrites et orales. Il s’agit d’un vrai filtre pour le recrutement des enseignants qui ont le même droit que les fonctionnaires du ministère. Ce sont, d’ailleurs, des fonctionnaires de l’académie. Sur l’ensemble des 35.000 enseignants recrutés dans le cadre de ce système qui exercent actuellement, deux ont été renvoyés par deux académies. C’est très peu par rapport aux cas du manquement aux obligations professionnelles enregistrés au niveau du ministère chaque année. La plupart des enseignants du premier et second groupe ont déjà travaillé dans le secteur privé ou dans l’éducation non formelle et d’autres secteurs. Leurs résultats sont satisfaisants. Ils sont encadrés par des inspecteurs et des superviseurs pédagogiques. Parfois, le niveau des étudiants dans certaines matières comme le français et les mathématiques laisse à désirer. La maîtrise de la langue française est préoccupante. Mais, ce constat n’est pas à généraliser. Il faut un suivi quotidien et un encadrement. Ces enseignants ont besoin de formation. Cette fois-ci, le troisième groupe vient de regagner les centres pour une formation qui va durer jusqu’au mois d’août. Les nouvelles recrues seront en stage de la rentrée scolaire jusqu’à décembre. Je suis optimiste à ce niveau-là. Nous aspirons aussi à mettre en place la contractualisation pour les métiers de gestion dans les établissements scolaires. Nous avons besoins de postes de recrutements dans les académies pour combler les lacunes.

Le marché relatif au gardiennage que vous aviez lancé a été soulevé au parlement. Faut-il opter pour le moins disant ou le mieux disant ?
Le respect du code de travail est obligatoire pour l’ordonnateur et la société. Il faut prendre le moins disant mais tout en prenant en considération les charges dont le SMIG. Le marché d’il y a trois ans a suscité une polémique car l’académie de Rabat a retenu le mieux disant au lieu du moins disant. Mais, il est clair que c’est le mieux disant qui octroie le SMIG aux agents de sécurité recrutés. Au niveau de l’académie, les auxiliaires de gardiennage touche actuellement 2300 DH sur la base de l’ancien SMIG. Lors de l’adjudication du marché, un différend nous a opposé avec le contrôleur d’Etat. On a recouru à l’arbitrage. Le ministre des finances Mohammed Boussaid a ordonné le visa du marché car on a respecté le code du travail.

Qu’est ce qui a changé dans la gestion après la mise en place du nouveau cadre de régionalisation ?
La fusion entre académies est dictée par la nécessité d’adaptation au nouveau découpage régional. Nous sommes l’unique région qui a connu la fusion de deux régions. La mise en œuvre de la nouvelle configuration m’a permis de comprendre la profonde philosophie de la régionalisation qui tend à faire bénéficier les régions les moins développées de la richesse nationale. S’agissant de notre cas, l’ancienne région de Rabat était privilégiée car il s’agit de la capitale. Tous les indicateurs étaient élevés dans cette région contrairement à ceux du Gharb. Grâce à la fusion, les moyens ont été partagés. Rabat a tiré vers le haut l’ancienne région du Gharb dont le taux de réussite s’est amélioré. Plusieurs indicateurs ont été aussi boostés comme celui la lutte contre la déperdition scolaire. Certes, les indicateurs élevés de Rabat ont légèrement baissé. Mais, c’est une conséquence normale de la nouvelle configuration car il s’agit d’établir la moyenne de toute la région.


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