Maroc

Les parlementaires doivent être audacieux

Décrié par le mouvement féministe, le projet de loi portant sur la lutte contre la violence faite aux femmes nécessite d’être amendé. Même le CNDH plaide pour la refonte du texte. Les conseillers parviendront-ils à amender le projet qui devra bientôt franchir le cap du Parlement ?

Dernière ligne droite pour le projet de loi portant sur la lutte contre la violence faite aux femmes, après son gel pendant de longs mois au sein de la Commission de la justice et de la législation de la Chambre haute. Les conseillers qui ont récemment repris son examen s’apprêtent à le voter en commission le 29 janvier. Sauront-ils l’amender pour répondre aux aspirations du mouvement associatif et aux recommandations du Conseil national des droits de l’Homme ? Rien n’est moins sûr.

Les députés de la précédente législature n’ont pu y introduire que quelques amendements partiels. La plupart de leurs propositions ont, en effet, été rejetées par le gouvernement. Parlementaires et observateurs sont unanimes : le texte ne constitue qu’un petit pas en avant dans la lutte contre le fléau de la violence à l’égard des femmes. L’espoir est que les nouvelles dispositions juridiques soient améliorées et mises en œuvre le plus tôt possible en vue de limiter l’ampleur du phénomène de la violence contre les femmes dans la société marocaine. Rappelons que le projet suscite une grande polémique depuis la présentation de la première version en 2013. La seconde mouture qui est entre les mains des parlementaires est vertement critiquée et constitue, aux yeux des militants associatifs, «une régression» par rapport à la première. Adopté par les députés en juillet 2016, le texte est jugé, on ne peut plus, lacunaire. Plusieurs dispositions doivent y être introduites pour répondre aux standards internationaux. Il s’agit, en premier lieu, de la nécessité de renforcer le dispositif de protection des femmes qui portent plainte pour violence. Un volet omis par le projet de loi. Ce qui est considéré comme une aberration car le texte ne permet pas à la femme violentée de bénéficier d’une protection immédiate ou d’une prise en charge alors que sous d’autres cieux, la protection est une condition sine qua none. Les députées, rappelons-le, avaient plaidé pour la mise en place de la mesure de l’éloignement du mari avant la fin du procès conformément aux recommandations du CNDH.

Le conseil plaide, en effet, pour la mise en place de mesures de protection qui doivent être prises immédiatement par la police judiciaire ou le ministère public, selon le cas, dans les affaires de violence à l’encontre des femmes, telles que l’orientation de la victime vers une cellule de prise en charge de la femme victime de violence, la possibilité pour la femme violentée de choisir sa domiciliation dans le cabinet de l’avocat la représentant ou au siège d’une personne morale habilitée l’accompagnant lors de la période de l’ordonnance de protection, la facilitation de l’accès de la victime à une liste de personnes morales habilitées et pouvant l’accompagner durant toute la période de l’ordonnance de protection (des associations spécialisées par exemple). Les parlementaires et les militantes associatives plaident aussi pour l’impératif de maintenir la poursuite même en cas de retrait de la plainte pour mettre fin à l’impunité et prévenir la violence. Souvent, les femmes violentées abandonnent leur plainte en raison des pressions familiales. Le débat au sein de l’institution législative a porté également sur le droit sans condition pour les associations de se porter partie civile en cas de violence faite aux femmes. La mouture initiale du texte permet uniquement aux associations, reconnues d’utilité publique, saisies par écrit par une femme violentée, de se porter partie civile alors qu’il s’avère nécessaire de renforcer et faciliter l’implication de la société civile. Le mouvement féministe reproche au projet de limiter la marge de manœuvre des associations dans les affaires de la violence à l’égard des femmes en stipulant un accord écrit de la victime. La balle est dans le camp des parlementaires de la Chambre haute pour améliorer le texte. Mais, l’opposition affiche d’emblée son scepticisme. Il faut dire qu’en dépit des critiques, le gouvernement se félicite des dispositions de ce texte qui vise à remédier aux limites de l’arsenal juridique en vigueur en matière de protection des femmes victimes de violence. 


Un texte à amender

Le CNDH a appelé le gouvernement à revoir sa copie à travers bon nombre de recommandations : incrimination du viol conjugal, interdiction du mariage des mineures, renforcement de la définition des formes de la violence à l’égard des femmes en y incluant la violence psychologique, redéfinition du harcèlement sexuel… L’instance de Driss El Yazami a pris en considération bon nombre de remarques de la société civile. Pour éviter toute ambiguïté, le conseil appelle au renforcement des définitions relatives à la lutte contre la violence à l’encontre des femmes en y incluant, outre les préjudices physiques, sexuels et économiques, la violence psychologique. Le CNDH recommande également, entre autres, d’incriminer le viol «abstraction faite de la relation entre la victime et l’auteur». 



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