Les cartes bancaires amorcent un changement dans notre façon de payer

Voulez-vous régler par carte ou en espèces ? Une question – si posée – que nous pouvons adresser aux marocains et dont la réponse serait pour la plupart du temps – en espèces. En effet, les cartes de paiement sont essentiellement utilisées dans le Royaume pour les retraits d’argent depuis les GAB.
Les conséquences de la dépendance à l’argent liquide
Cette dépendance enracinée à l’argent liquide a d’importantes conséquences aussi bien pour les consommateurs que pour les commerçants, la plus évidente d’entre elles est le risque de vol et de fausse monnaie, mais cela signifie également que les utilisateurs de cartes ne profitent pas assez de la flexibilité et des programmes de récompenses associés aux cartes. À titre d’exemple, le programme de fidélité de la carte Ailes de l’une des plus grandes banques du Royaume, à savoir la Banque Populaire, offre aux titulaires de cette carte une gamme variée d’offres et de promotions auprès de différents commerçants partenaires. Pourtant, les consommateurs pourraient profiter davantage de ces offres. L’un des raisonnements les plus significatifs est le fait que l’utilisation d’espèces exerce une pression considérable sur l’économie dans son ensemble. Le coût de la production, du transport et de la protection de cet argent, ainsi que les questions de transparence et de perte de recettes fiscales ont de sérieuses embranchements dans le pays. Bank Al-Maghrib, la banque centrale du Maroc, estime les dépenses liées aux cartes bancaires, à près de 2 milliards de dollars pour l’année 2015 . Bien que ce montant semble important, la vérité est autre, pour mettre ces chiffres en perspectives, les dépenses annuelles faites par cartes en Arabie Saoudite, qui a approximativement la même population, est 100 fois supérieur .
Les avantages des paiements électroniques
Même s’il est vrai que toute économie est unique, les avantages d’un passage vers une société sans cash sont partout les mêmes. Une étude de Visa, menée par le cabinet Moody’s Analytics en 2016, a analysé le lien entre les paiements électroniques et la croissance du PIB dans 70 pays différents. Les résultats ont montré que l’utilisation des cartes bancaires a contribué à hauteur de 0.04 pour cent dans la croissance économique marocaine entre 2011-2015, soit moins que la moitié de la moyenne de la région du Moyen-Orient qui s’est située à 0.09 pour cent. Par ailleurs, ce chiffre a atteint pour l’Arabie Saoudite 0.12 pour cent, alors que les Émirats arabes unis sont en tête de la région avec 0.23 pour cent . La conclusion de l’enquête est claire : les paiements électroniques ne rendent pas uniquement la vie plus facile, mais aident à stimuler la croissance économique. Plusieurs arguments ont été présentés : Comment le paiement électronique accorde aux consommateurs une accessibilité à leur argent ou à leur ligne de crédit, ou encore supprimer l’économie parallèle en permettant l’émergence de nouveaux secteurs économiques tels que le e-commerce, ou alors économiser aux banques centrales les coûts associés à l’impression et à la fabrication des billets et pièces de monnaie.
Opportunités pour le Maroc
Vu son niveau de départ relativement bas, ceci représente pour le Maroc une réelle et unique opportunité. Les autorités marocaines en sont conscientes, c’est pour cela que Bank Al-Maghrib a promulgué des lois pour atteindre un marché de paiements électroniques ouvert et dynamique, tandis qu’un nombre croissant d’organisations publiques et privées collaborent au développement de nouvelles applications de paiement innovantes. Par exemple, le Centre Monétique Interbancaire (CMI) a lancé une nouvelle technologie mobile de point de vente depuis le mois d’octobre 2015. La technologie mPOS (mobile point of sale ou point de vente mobile) permet aux clients et aux commerçants de traiter des transactions commerciales par une simple application mobile au lieu d’un dispositif traditionnel. Grâce à cela, la façon dont les gens paient leurs achats au Maroc est en train de changer significativement. Le changement le plus visible touchera sans doute les endroits où les consommateurs pourront utiliser leurs cartes.
À l’heure actuelle, et bien qu’ils ne représentent qu’un faible pourcentage, les paiements électroniques se font le plus souvent au Maroc dans les supermarchés et les magasins de détail. L’écosystème est en train de s’étendre aux restaurants, au secteur de l’habillement, aux stations-service et aux pharmacies qui, tous, acceptent désormais le paiement par carte. Le deuxième changement touchera sans doute la valeur des articles que les consommateurs achètent avec leurs cartes. Les transactions de paiement au niveau national impliquent généralement un achat de produits alimentaires, de vêtements et de carburant d’un coût moyen de 48 dollars américains, soit 480 dirhams marocains . Cependant, il existe une tendance qui se confirme au fil des ans et qui veut que le coût moyen baisse d’environ 20 dirhams par an, ce qui indique que les gens utilisent leurs cartes même pour des transactions à plus faibles valeurs. Le troisième changement attendu concerne les appareils utilisés pour traiter les transactions. Avec plus de 41 millions d’abonnés mobiles, le Maroc pourrait se retrouver dans la situation inhabituelle de passer directement aux paiements mobiles et de sauter le passage de l’espèces aux cartes. Les plus grandes banques de la place ont toutes leurs propres applications bancaires avec une part importante des consommateurs qui les utilisent pour le paiement des factures des services publics. Les opérateurs mobiles tels qu’Orange et Inwi permettent le paiement des factures électroniques et les déductions prépayées directement depuis le téléphone.
De plus, les opérateurs de paiement en ligne, tels que Fast Payment ont lancé des services comme Fpay.me qui permettent aux utilisateurs de regrouper les cartes bancaires qu’ils pourraient avoir auprès de plusieurs banques en un seul portefeuille électronique. Il existe plusieurs facteurs qui prouve que le Maroc est sur le point de connaitre une transformation dans la façon dont les gens paient pour les biens et services. Cela prendra certes du temps, mais les premiers signes de progrès sont déjà là. A ce stade, ces signes ne permettront pas peut être d’avoir la bonne réponse à la question «Espèces ou par carte ?», mais contribueront fortement à poser plus souvent cette question.
Sami Romdhane
Directeur Général, Visa Maroc