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Déchets électroniques : le CESE plaide pour une chaîne de valeur nationale

Face à l’évolution des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) et à un faible taux de recyclage (13% en 2020), en plus de la prédominance de l’informel, le CESE exige, dans son dernier avis, la mise en place urgente d’une chaîne de valeur nationale. Celle-ci sera intégrée, pour exploiter le potentiel économique de ce gisement, dans le cadre de l’économie circulaire via l’adaptation du cadre juridique, la structuration de l’informel, la mise en place d’incitations financières et fiscales ainsi que l’amélioration des infrastructures de tri et de recyclage.

Les équipements électriques et électroniques (EEE) font partie de notre vie quotidienne. Cependant, l’usage généralisé de ces appareils s’accompagne d’une augmentation comparable du volume de déchets générés après leur fin de vie (les DEEE), avec des impacts négatifs sur l’environnement et la santé publique.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a préconisé la mise en place d’une chaîne de valeur nationale pour ces DEEE et recommande, de facto, d’intégrer leur recyclage comme un levier structurel dans la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire. Le développement de la filière de revalorisation des DEEE devrait s’appuyer sur une approche intégrée, selon le CESE.

Parmi les recommandations émises dans ce sens, figurent la mise en place d’un cadre juridique et la définition des catégories de déchets actuellement non prises en compte, notamment les panneaux photovoltaïques, ainsi que les équipements liés à la mobilité électrique et hybride, afin d’assurer une couverture complète et cohérente de l’ensemble des équipements concernés.

À cela s’ajoutent la mise en œuvre d’incitations financières et fiscales destinées à dynamiser la filière de recyclage des DEEE, une nomenclature normalisé, mais aussi l’aménagement des décharges en plateformes encadrées de tri et de démantèlement. Il est également question de structurer et de professionnaliser l’activité informelle liée aux DEEE en intégrant ses acteurs dans des coopératives ou des groupements d’intérêt économique (GIE), tout en imposant l’étiquetage obligatoire sur les équipements électriques et électroniques comportant la mention «Ne pas jeter».

13% de taux de recyclage des DEEE en 2020
Les statistiques mondiales montrent que le volume de DEEE passera d’ici 2030 à environ 82 millions de tonnes, dépassant ainsi les déchets ménagers et devenant le flux de déchets qui croît le plus rapidement dans le monde. Malgré cette croissance, seulement 17,4% de ces déchets sont officiellement collectés et recyclés à travers la planète.

Au Maroc, le taux de recyclage des DEEE était d’à peine 13% en 2020, tandis que leur volume augmente annuellement de 3,5%. Le CESE s’est penché sur cette problématique dans le cadre d’une auto-saisine qui s’inscrit dans la continuité de ses travaux sur la thématique de l’économie circulaire. Selon l’avis de l’institution dirigée par Abdelkader Amara, le volume des DEEE, au niveau national, a atteint 177.000 tonnes en 2022, contre 127.000 tonnes en 2015, et devrait atteindre 213.000 tonnes d’ici 2030.

Dans le détail, seulement 16.000 tonnes de ce volume ont été recyclés, soit 13%. L’objectif est d’atteindre 40% d’ici 2030 selon le département gouvernemental en charge de l’environnement. Des études comparatives internationales montrent que la plupart des pays de l’Union européenne ont réussi à atteindre ou dépasser les 70% de recyclage des DEEE. Les ménages marocains sont la principale source de ces déchets, avec une part de 74%, ce qui rend leur collecte et leur tri plus complexes.

Au niveau régional, la production de ces déchets est concentrée dans la région du Grand Casablanca (25%), suivie de Rabat-Salé-Kénitra (15%), Fès-Meknès (12%), Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (11%) et Marrakech-Safi (11%). On estime que, s’ils sont correctement valorisés, ces déchets pourraient attirer des investissements d’une valeur de 60 MDH et une valeur ajoutée de 182 MDH. De surcroît, la production de DEEE au Maroc n’est que de 4,8 kg par habitant et par an, un niveau inférieur à la moyenne mondiale (7,8 kg).

Ce chiffre peut être multiplié par quatre dans les pays développés. Compte tenu du développement technologique et de l’accélération de la transformation numérique globale que connaît le Royaume, le volume des DEEE produits localement devrait augmenter régulièrement. Alors que chaque individu consomme annuellement au moins 7,3 kg de nouveaux EEE, les déchets produits restent en grande partie en dehors des circuits de traitement et de valorisation.

En l’absence de décharges contrôlées spécifiquement pour les DEEE, ces déchets sont souvent éliminés de manière inadéquate dans les décharges publiques, où ils se mélangent à tous les types de déchets ménagers. Ils sont en partie enfouis ou brûlés à ciel ouvert, générant des émissions toxiques et des odeurs désagréables qui affectent négativement la santé des collecteurs de déchets et des habitants des quartiers voisins.

De plus, une mauvaise gestion des DEEE entraîne la pollution des écosystèmes et la perturbation de la biodiversité, avec un impact direct sur la réduction des populations végétales et animales.

L’exportation comme solution miracle ?
Le volume des exportations internationales de DEEE s’élève à environ 5,1 milliards de kilogrammes par an, dont 64% expédiés par des voies informelles. En ce qui concerne le Maroc, il est important de noter qu’il n’existe pas de statistiques officielles sur le volume et la valeur des exportations nationales de DEEE.

Les données partielles disponibles sur certains métaux indiquent que près de 30.000 tonnes de déchets de cuivre sont produites annuellement et exportées vers l’Europe. Et en parallèle, les importations marocaines de fils de cuivre sont en hausse, passant de 5.000 tonnes par an à plus de 65.000 tonnes, en raison de la présence d’un certain nombre de fabricants de câbles sur le territoire.

Selon les témoignages des acteurs consultés, d’importantes quantités d’éléments extraits des DEEE sont exportées, non seulement en raison de l’existence d’un marché international ouvert et compétitif, mais aussi en raison du manque de capacités nationales suffisantes pour absorber et recycler ces déchets.

À cet égard, il est à noter que certains acteurs économiques actifs dans la fabrication de câbles électriques utilisés dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et des télécommunications sont contraints d’exporter leurs déchets de câbles à l’étranger pour les faire traiter avant de les récupérer et de les réutiliser dans leurs activités de fabrication.

Par ailleurs, la tendance à l’exportation des DEEE ne contribue pas à la collecte d’une masse suffisante de matériaux extraits, ce qui pourrait encourager l’investissement dans les activités de recyclage de ces déchets au niveau national. Cela nécessite un contrôle des flux d’exportation de ce type de déchets et des matériaux précieux qui leur sont associés, ainsi que le renforcement des mécanismes de contrôle pour limiter les pratiques illégales et réguler les quantités et les prix des matériaux recyclables sur le marché national.

À cet égard, il est à noter que plusieurs pays ont mis en place, selon l’avis du CESE, des mesures fiscales et douanières sur l’exportation/importation de ce type de déchets, afin de constituer la masse critique/les quantités nécessaires pour l’établissement de projets de recyclage des DEEE, garantissant leur viabilité et leur rentabilité, tout en interdisant l’importation de déchets n’ayant pas de valeur ajoutée locale pour cette activité économique. En outre, l’exportation empêche de tirer parti du potentiel économique important offert par le recyclage des DEEE au niveau national.

En effet, un kilogramme de cartes électroniques comme déchets ne vaut que 5 à 6 dirhams pour les professionnels marocains du recyclage/exportateurs, alors que son prix peut atteindre parfois des centaines d’euros sur le marché européen, ce qui représente une perte considérable pour les acteurs et l’économie nationale dans son ensemble. Il est à noter que le continent africain est l’une des principales destinations des DEEE provenant d’Europe et des États-Unis. Ces déchets y sont souvent brûlés dans des décharges sauvages pour en extraire le cuivre et le réexporter.

Au niveau national, afin de réduire les impacts négatifs des DEEE en général et des batteries en particulier, leur recyclage est devenu une nécessité urgente, compte tenu de la prolifération de petits appareils électroniques et de la prédominance des activités informelles. Le domaine de la gestion et du traitement des DEEE comprend des activités informelles qui, selon les acteurs consultés, représentent environ 70% du marché, en plus d’un secteur organisé composé d’acteurs du recyclage, de grossistes et d’intermédiaires formels soumis à l’impôt professionnel unifié (Patente).

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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