Assurance : l’Automobile porte la rentabilité de tout le secteur
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Avec 15,27 milliards de dirhams de primes émises en 2024, l’assurance automobile est une locomotive du secteur, juste derrière l’assurance-vie, notamment l’épargne en dirhams (ndlr : c’est le jargon des spécialistes) dont la collecte a atteint 22,05 milliards l’an dernier. Le chiffre d’affaires de la branche automobile enregistre une hausse de 6,2%. En dix ans, non seulement le marché a doublé, mais l’assurance automobile porte la rentabilité du secteur, enregistrant la transformation la plus spectaculaire.
Techniquement comme sur le plan financier, la branche «auto» est aujourd’hui rentable, bien au-dessus de 20%, malgré la menace d’une fraude à dimension industrielle sur le ratio combiné. Une étude de la Fédération marocaine de l’assurance relève en effet qu’au moins 20% des indemnisations dans cette branche seraient frauduleux, soit un dossier sur cinq. Les montages vont de la toute petite combine classique (fausses factures, fausses déclarations, surestimations des dommages…) à des opérations sophistiquées impliquant plusieurs complicités.
Contre les réseaux de fraude, l’union fait la force, croit fermement la profession qui met en sourdine ses dissensions. C’est ainsi qu’un baromètre synthétisant les travaux d’investigation des compagnies sur les dossiers frauduleux en assurance automobile, a été partagé dans le secteur. L’échange des données sur les «cas suspects» se fera chaque trimestre. Malgré la fraude, l’automobile reste un pilier de l’équilibre financier des compagnies.
En effet, la branche Non-Vie doit en grande partie son équilibre au dynamisme de l’Automobile. La Non-Vie a généré 32,55 milliards de dirhams (MMDH) de primes en 2024 dont 47% émanent de l’Automobile. Dans ce total, la RC auto, une couverture obligatoire, représente 82,3%. Son chiffre d’affaires marque aussi une progression de 5,6% suivant l’extension accélérée du parc automobile de ces dernières années. A priori, ce tableau est une excellente nouvelle pour les assureurs.
À première vue seulement, car derrière cette croissance du chiffre d’affaires de la branche, se cache une fragilisation de la marge sur la RC et du ratio combiné. Le ratio combiné moyen s’est dégradé de 7,4 points au cours des cinq dernières années, tempère un professionnel.
Le ratio combiné, surveillé comme de l’huile sur le feu par les assureurs, est la combinaison du ratio de sinistralité (charges de sinistres/primes acquises) et du taux de frais (charges d’acquisition et autres charges techniques d’exploitation/primes émises). En intégrant les garanties annexes, le ratio combiné de la branche auto frôle 100%, et chez certains assureurs, il serait bien au-dessus ; ce qui signifie qu’ils perdent de l’argent sur l’automobile.
D’ailleurs, et de manière récurrente, les opérateurs attirent l’attention sur cette menace qui pèse sur les équilibres financiers du secteur et mettent en garde contre la sortie de route de la branche automobile. Si les assureurs n’ont aucun levier d’action sur le tarif de la RC auto, ils peuvent néanmoins agir sur les garanties annexes ou les franchises. Ce dont ils ne se privent pas d’ailleurs.
Dans la foulée de la libéralisation du tarif auto en 2006, de nouveaux critères de différenciation des tarifs devaient être publiés par le régulateur. L’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) est sensible à la demande d’extension des critères de tarification, mais il semble que le statu quo actuel serait dû à des résistances au sein de la profession. Sans l’assumer ouvertement, certains opérateurs redoutent que l’extension de la tarification à des critères, comme l’âge ou les antécédents, ne déclenche une guerre des prix qui profiterait surtout aux plus gros opérateurs du marché.
Asseoir la concurrence sur les garanties annexes uniquement fausse l’analyse de la sinistralité et limite une réelle compétition entre assureurs. Sur le papier, le tarif de la «RC automobile» est libre depuis le 6 juillet 2006. Les compagnies d’assurance peuvent donc librement fixer leurs tarifs sauf que les critères de tarification, qui sont fixés par la réglementation, restent figés. La puissance fiscale, qui sert encore de base de tarification de la RC Auto, remonte au début de l’ère automobile.
À la hausse continue et inquiétante de la sinistralité, il faut ajouter la fraude qui prend une dimension exceptionnelle malgré le déploiement d’outils de plus en plus sophistiqués par les assureurs. Ceux-ci peuvent également s’en prendre à eux-mêmes car beaucoup d’entre eux ont longtemps joué avec le feu en multipliant des formules pour attirer les clients. Une des explications de la forte sinistralité tiendrait à la facilité de consommer des sinistres, explique un expert.
Certains formats de services de remboursement rapide présentent des failles de contrôle qui peuvent pousser à la tentation. La libéralisation non encore effective du tarif Responsabilité civile automobile rend difficile l’application d’une tarification plus juste en fonction des risques. Les compagnies sont toujours forcées de faire payer les bons clients pour les mauvais, sans être capables de se différencier par de meilleurs tarifs pour les groupes à plus faible sinistralité.
Cette incapacité de se différencier par les tarifs pousse certaines d’entre elles à faire plus d’efforts au niveau du marketing des offres et de l’accessibilité des garanties annexes dont les primes peinent à couvrir les coûts des sinistres.
Des projets structurants prévus cette année
. Finalisation du Référentiel national des véhicules assurés et entrée en vigueur de la dématérialisation des attestations automobile.
. Mise en place du futur système de recouvrement des primes d’assurance automobile intégrant une importante composante monétique.
. Dématérialisation de l’attestation d’assurance automobile : fruit de plusieurs mois de travail et de concertation avec l’Autorité de régulation et les compagnies d’assurances, ce projet vise à adopter un format numérique de ce document. Cette évolution technologique permettra non seulement aux assureurs d’être plus agiles, mais aussi de faciliter le contrôle de la présomption d’assurance par les services de contrôle.
. Digitalisation des paiements des primes d’assurance automobile via des solutions monétiques avancées : ce projet ambitionne de simplifier et de fluidifier le processus de règlement pour les assurés.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO