Blé tendre : la bataille entre majors fait rage sur le marché marocain
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Avec près de 18 milliards de dirhams d’importations de blé, le marché marocain attise la compétition entre les grands céréaliers mondiaux. Pour l’instant, le match se joue entre la France, le Canada et l’Allemagne. Mais derrière, les challengers de la mer Noire, Roumanie et Pologne, et surtout les États-Unis et l’Australie, sont en embuscade.
Si les Marocains ont, à juste titre, salué la clarification diplomatique de la France sur le Sahara marocain, les céréaliers français, eux, ont carrément sabré le champagne. Le «nouveau partenariat stratégique» entre Paris et Rabat leur ouvre, en effet, de nouvelles opportunités de business, surtout après les six années consécutives de sécheresse qui ont plombé les récoltes au Maroc. L’Hexagone reste le premier fournisseur de blé tendre du Royaume avec 6,92 milliards de dirhams (MMDH) en 2023, selon les données du ministère de l’Économie et des Finances.
Le blé tendre utilisé dans la fabrication du pain est, de loin, le plus consommé par les ménages marocains. La France entend garder ses positions car la bataille, derrière, fait rage sur le marché national, devenu un territoire de compétition des grands producteurs mondiaux de blé.
Avec des importations de plus de 17,83 milliards l’an dernier, les grands producteurs de blé affutent leurs armes, se positionnant au mieux sur le marché marocain. Le Canada, numéro un mondial de blé dur, celui qui sert à la fabrication du couscous et des pâtes, est notre deuxième fournisseur. Le Maroc lui a acheté pour 4,3 MMDH en 2023. L’Allemagne complète le podium de notre sourcing de blé avec 3,3 milliards.
Au-delà de son image d’«équipementier du monde», l’Allemagne est également une puissance agricole. Derrière ce trio, viennent plusieurs challengers (Australie, Argentine), dont les plus dynamiques sont de la «mer Noire», selon l’expression des experts du marché des céréales.
Dans ce groupe, figurent la Roumanie et la Pologne, respectivement troisième et quatrième fournisseur du Maroc. Bucarest a vendu pour 1,13 MMDH au Maroc, tandis que la Pologne a expédié pour 850 millions de dirhams. La Russie, premier exportateur mondial de blé en 2024, n’apparaît pas dans le Top 5 de nos fournisseurs, sans doute en raison de difficultés liées aux sanctions consécutives à l’invasion de l’Ukraine.
Acheter du blé russe signifie emprunter des voies de contournement entretenues par des intermédiaires installés à Dubaï et en Turquie. Le plus compliqué, c’est de trouver la «bonne voie de règlement», la plupart des banques russes ayant été débranchées du système de compensation Swift. Malgré les prix très compétitifs du blé russe, cette multiplication d’intermédiaires, et donc des commissions, renchérit la transaction.
Au niveau mondial, la Russie garde sa position de premier exportateur de blé tendre avec 48 millions de tonnes en 2024. L’Australie confirme sa deuxième place, tandis que le Canada s’installe à la troisième position, «éjectant» les États-Unis. La France, gros fournisseur historique du Maroc, recule au septième rang mondial. La bataille entre céréaliers français et australiens fait rage chez les grands importateurs de blé tendre dont ils représentent 53% des commandes.
La France et l’Australie ont d’ailleurs conquis des positions sur des marchés qualifiés de «prioritaires» sur le continent africain par les traders. Il s’agit, entre autres, du Maroc (48% de part de marché), du Cameroun (40% des importations), du Sénégal (50%), de l’Algérie et de l’Egypte.
Le prix du pain et de la farine sous surveillance
L’État intervient tout au long de la chaîne de valeur pour soutenir la consommation de blé tendre par des mesures consistant, notamment, par la fixation d’un contingent limité de farine de blé tendre estimé à environ six millions de quintaux.
Cette subvention est destinée à «soutenir le pouvoir d’achat des populations vulnérables». Par ailleurs, un mécanisme de régulation des prix permet de stabiliser les prix du pain et des farines sur le marché, assurant ainsi la protection de la production nationale.
Ce dispositif comprend l’ajustement des droits de douane, les restitutions à l’importation ainsi que des subventions à la production nationale sous forme de primes de stockage et d’une prime forfaitaire.
Dans ce cadre, un nouveau système de primes forfaitaires à l’importation de blé tendre meunier a été institué entre le 1er janvier et le 30 avril 2025. Pour déterminer la prime, le prix de revient moyen retenu correspond à la moyenne des deux origines les plus basses des prix de revient calculés pour les origines Allemagne, Argentine, France et États-Unis. Si et seulement ce, l’écart entre les prix de revient des deux origines les plus basses ne dépasse pas 30 DH par quintal.
Dans le cas où l’écart dépasse ce seuil, le prix de revient moyen retenu correspond à la moyenne mensuelle du prix de revient de l’origine la plus basse majorée de 15 dirhams/quintal. Pour l’origine français, le prix de revient retenu est le minimum des prix de revient des trois types du blé tendre français ; Pour l’origine USA, le prix de revient retenu est le minimum des prix de revient des deux types du blé tendre américain.
Pour un mois donné et pour un type de blé tendre donné, la moyenne des prix de revient à considérer doit tenir compte d’au minimum 10 observations (cotations) disponibles. La prime forfaitaire à restituer par l’État correspond à la différence entre le prix de revient moyen sortie du port du mois et le prix de 270 dirhams par quintal.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO