Protection des droits humains : les pays du Nord peuvent mieux faire
Les défenseurs des droits de l’Homme jouent un rôle crucial pour protéger et faire respecter les droits de tout individu. Leur devoir est de dénoncer les violations, défendre les victimes et promouvoir la sensibilisation ainsi que la mobilisation du public. C’est dans cette optique que s’est tenu à Rabat le pré-Forum mondial des droits de l’Homme, en prélude au troisième forum mondial dont les travaux démarreront en mars 2023 en Argentine.
Co-organisé par le Conseil national des droits de l’Homme du Maroc (CNDH) et l’International centre de promotion des droits de l’Homme (CIPDH-Unesco), cette rencontre de deux jours a réuni des experts marocains et internationaux, des chercheurs, des responsables, des universitaires et des ONG pour aborder les défis et opportunités des droits de l’Homme dans trois domaines principaux, à savoir la justice transitionnelle et la mémoire, la migration ainsi que les changements climatiques.
Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), a ouvert les travaux du Préforum international des droits de l’Homme par un discours adressé principalement aux nations du Sud, suivi par des critiques aux pays du Nord, en matière de protection des droits humains dans la gestion internationale des migrations. Elle a estimé qu’il était «d’ailleurs préoccupant de voir qu’aucun pays «occidental» n’ait ratifié la Convention internationale de protection des migrants et de leurs familles, alors que nos pays se soumettent volontairement à l’examen et à l’évaluation universelle, comme si une certaine couleur de peau ou une certaine croyance religieuse dictait la dignité de l’Humain ou prédisposait à une certaine injustice innée». Et de poursuivre qu’«au moment où certaines démocraties, dites traditionnelles, usent des droits humains comme armes dans d’obtus jeux politiques, trahissant leur essence même, nous avons choisi de dialoguer dans un conclave à haute symbolique morale. Elle a d’ailleurs considéré qu’au Maroc, «comme dans beaucoup d’autres pays», on est «à l’étape d’implémentation d’une horizontal accountability / responsabilidad horizontal, pour user des termes du penseur argentin Guillermo O’Donnell».
Dans les détails, la responsable explique qu’«après une première étape de construction des procédures et cadres généraux – des élections libres et transparentes, une constitution démocratique, une justice indépendante – nous en sommes à l’étape de construction institutionnelle, en un réseau efficient qui puisse évaluer, avertir et intervenir lorsqu’une violation des droits fondamentaux des citoyens advient ou est susceptible d’advenir».
Absence de tutelle sur les questions des droits de l’Homme
Le Maroc appelle à un renouveau de la diplomatie des droits de l’Homme car les prochaines années seront cruciales, a indiqué, pour sa part, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, dans une allocution vidéo lors du pré-forum. Et d’ajouter que «le meilleur outil dont dispose la communauté internationale reste, sans doute, une diplomatie ambitieuse, patiente et réfléchie qui construit, dans le dialogue et la coopération, un système international des droits de l’Homme plus équilibré qui trouve, aussi, la voie de générer, une discussion plus active sur les droits économiques et sociaux alors que les inégalités sociales globales et l’insécurité économique mondiale s’approfondissent, sous nos yeux, de jour en jour».
Et pour cause, «d’aucuns, érigés en évaluateurs autoproclamés des droits de l’Homme sur notre continent, s’arcboutent sur des postures qui mettent de côté le dialogue et la coopération comme fondements de la protection et de la réalisation des droits de l’Homme pour adopter malheureusement, des positions de double standard et de politisation qui, loin de servir la cause des droits de l’Homme, fragilisent ses fondements», soutient le ministre. Il relève également l’absence de tutelle sur les questions des droits de l’Homme. Selon lui, ‘’il n’y pas de légitimité d’office à des diktats d’évaluations extérieures et il n’y a pas d’alternative sérieuse à l’appropriation progressive, individuelle et collective de l’universalité des droits de l’Homme».
De ce fait, Bourita estime que notre continent est appelé à s’organiser et à consolider ses positions sur le débat international des droits de l’Homme qui s’annonce dans les prochaines années. De même, le ministre a souligné que l’opportunité, voire la nécessité, d’une nouvelle Convention de Vienne sur les droits de l’Homme pour faire évoluer, moderniser et approfondir le système international des droits de l’Homme, pourrait rapidement émerger sur l’agenda international, appelant à réfléchir sur les réponses aux défis qui se présentent pour apporter une touche africaine à cette nouvelle étape et pour faire avancer les principes universels des droits de l’Homme.
«Le Maroc, sous la conduite du Roi Mohammed VI, continue, inlassablement, de promouvoir sa dynamique nationale dans le domaine des droits de l’Homme dans leur globalité et universalité comme vecteur de développement», fait-il savoir. Et de poursuivre que «les droits de l’Homme et l’ancrage de l’État de droit étant d’abord, et avant tout, des chantiers permanents, aujourd’hui encore, nos pays doivent poursuivre leurs efforts et leurs actions dans le but de renforcer leurs acquis et créer de nouvelles opportunités, tant aux niveaux national et régional qu’international», a-t-il noté.
Bourita conclut son intervention en estimant qu’il est grand temps d’adopter une approche intersectorielle en se ralliant à une dynamique de coopération approfondie et de dialogue élargi entre nos pays, tels que nous le faisons aujourd’hui.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO