Sédentarisation des ingénieurs : Mezzour a une nouvelle approche
Le phénomène de la migration des cerveaux impacte lourdement les pays en voie de développement, notamment l’économie marocaine. Cependant, beaucoup de choses tendent à laisser croire que les lignes bougent dans le Royaume, au point que CasaNearshore est devenu la 12e destination en termes d’investissement en R&D à travers le monde. Qu’est-ce qui a bien pu changer ces trois ou quatre dernières années ?
Année après année, la stratégie marocaine de sédentarisation de ses ingénieurs gagne du terrain. Mais comment cela est possible, quand on sait que le phénomène de la migration des cerveaux perdure. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont depuis les premières alertes, dont la presse s’est fait l’écho, sur la migration en masse des cerveaux marocains vers les pays occidentaux.
Même si le phénomène ne s’est pas tari, beaucoup de choses tendent à laisser croire que les lignes bougent. Selon le témoignage de Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du commerce, «il y a encore quelques années, les écoles d’ingénieurs arrivaient à peine à en former qu’ils étaient tous partis en dernière année. On ne les voyait pas. On n’avait même pas le temps de leur dire bonjour et ils étaient pris en charge et installés dans un bureau au quartier de La Défense, à Paris».
Ce témoignage illustre bien l’ampleur de la crise, il y a quelques années, en dépit du fait que la fuite des cerveaux est aujourd’hui un phénomène mondial qui ne touche pas uniquement les pays en voie de développement. Les Français, par exemple, sont de plus en plus attirés par l’expatriation, puisqu’ils sont entre 60.000 et 80.000 chaque année à tenter l’expérience à l’international.
Entre temps, lors des pourparlers avec les gouvernements européens, «l’un des premiers sujets de négociation qu’ils mettaient sur la table était celui du contrôle de notre migration. Il y a 3-4 ans, on leur a dit : oui, on aimerait bien parler de migration de cerveaux. Parce qu’il n’y a pas que la migration que vous ne voulez pas, mais aussi celle que nous voulons moins et que vous attirez de manière assez lourde», explique le ministre de l’industrie.
Pour se faire une idée des pertes que les campagnes de recrutement d’ingénieurs tout fraîchement diplômés au Maroc ont pu causer, il n’y a qu’à voir à combien revient à l’État la formation d’un ingénieur marocain, pour, au finish, les voir partir par centaines ou par promotion entière.
«L’État débourse environ 2,5 millions de DH tout au long du cursus d’un ingénieur marocain», précise le ministre. Ce qui est relativement important. L’enjeu pour le Maroc est d’amener ces ressources humaines à contribuer localement à son développement et à l’enrichissement du pays.
Une nouvelle approche de la migration des cerveaux et un discours bien rodé !
Lors des négociations avec les gouvernements européens sur le sujet, ceux-ci rétorquent le plus souvent qu’ils n’y sont pour rien quant à l’attractivité dont bénéficient leurs pays lié au dynamisme de leur écosystème et sous l’effet des avantages et privilèges offerts par les pays d’accueil.
Selon le ministre, l’argumentaire du Maroc a consisté à mettre en relief le fait que ces campagnes de recrutement n’arrangent aucune des parties. «Les tours de La Défense, par exemple, sont pleines de jeunes ingénieurs marocains. Quand ils y vont, cela revient à environ 4.500 euros de charge, plus les loyers à La Défense qui ne sont pas les mêmes qu’aux abords de CasaNearshore.
Mais, lorsqu’ils sont au Maroc, ces ingénieurs leur coûtent à peu près 60% moins cher et en plus ils sont plus heureux pour réaliser les mêmes tâches». Et d’ajouter : «Avec 14.000 ou 15.000 DH en tant qu’ingénieur débutant à Casablanca, l’on vit tout de même beaucoup mieux qu’avec 1.800 euros comme ingénieur débutant à Paris». Autant dire que l’argumentaire est convaincant.
CasaNearshore : 12e destination en termes d’investissement en R&D à travers le monde
Ainsi, souligne le ministre, «grâce à cette approche, à leurs compétences et au fait qu’ils soient plus épanouis», une nouvelle tendance se dégage sur le terrain, et ce, depuis 3-4 ans. « Pratiquement, 30 à 40% des nouveaux emplois créés dans l’offshoring commencent à se concentrer dans la recherche et développement», explique le ministre.
À ce titre, CasaNearshore est devenu la «12e destination en termes d’investissement en R&D à travers le monde». En effet, la plateforme d’offshoring rayonne de plus en plus au-delà des frontières du Royaume. La nouvelle Citroën Ami, véhicule 100% électrique, y a été entièrement conçue.
Au-delà de ce quadricycle électrique, d’autres projets similaires sont annoncés au Maroc, notamment Opel Rocks-e, ou encore la Fiat Topolino qui sera, quant à elle, assemblée à Kénitra. Autant dire que le Maroc se positionne résolument sur le marché mondial de la R&D.
De «champion de la contrefaçon» à fabricant de produits de plus en plus complexes et techniques !
Entre-temps, le Covid est passé par là. Mais pas que ! La stratégie de MaScIR et celle de grands groupes, tels que PSA et autres, ont fait tache d’huile. Résultat, le Maroc démontre au fur et à mesure sa capacité à créer des produits complexes et de plus en plus techniques. Mais aussi servir de base d’incubation pour des projets innovants.
«On s’est rendu compte qu’on était capable de tout produire et non de tout importer. Tout cela a créé une libération incroyable chez nos jeunes, qui ont commencé à croire en eux. Cet élan est aujourd’hui visible un peu partout. Dans l’électronique, la conception de véhicules…».
Rien que chez MaScIR, de beaux progrès ont été réalisés en trois ans. A titre d’exemple, Moldiag, le premier test de diagnostic de la tuberculose, 100% marocain, développé par MAScIR, est fabriqué dans une petite usine d’environ «100 mètres carrés», avec 4 millions de tests vendus.
«Aujourd’hui, ils fabriquent toutes sortes de tests et font même des appareils de test made in Morocco coûtant 20 fois moins cher que dans le commerce».
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO