Maroc

Économie et crise sanitaire : 2020, une année noire pour le Maroc

Le gouvernement vient de publier un bilan annuel de la pandémie Covid-19. Selon lui, ce rapport est un document de synthèse, non exhaustif, dédié à l’action du gouvernement en matière de gestion de la lutte contre la pandémie au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2020. Rappel des mesures économiques prises pour juguler la récession que tout le monde attendait.

Le gouvernement vient de publier le bilan d’une année de pandémie de Covid-19. Un document où il relate comment il a géré cette crise sanitaire surprenante aux effets collatéraux désastreux sur les plans économique et social notamment. Pour en faciliter l’appropriation et l’exploitation, il l’a traitée suivant une logique économique et constitutionnelle, c’est-à-dire en quatre temps, qui rappellent les quatre trimestres qui composent une année.

Temps 1 : veille à la préparation
Le premier temps couvre notamment la période allant de l’apparition des premières contaminations au niveau mondial à la détection du premier cas positif au coronavirus au Maroc, en date du 2 mars 2020. Selon le gouvernement, ce Temps 1 qu’il a baptisé «de la veille et de la préparation», a connu plusieurs actions, à savoir : la mise en place des préparatifs institutionnels et techniques de détection et d’analyse, l’instauration de mécanismes de communication, de sensibilisation, de transparence, une forte action diplomatique de suivi à l’international, le perfectionnement des dispositifs sanitaires ainsi que l’activation des organes de gouvernance de la crise. En effet, en plus de la mise à jour, l’adaptation et l’amplification du système de veille sanitaire sur les épidémies, du suivi épidémiologique minutieux, par granularité territoriale et de la mise en place d’une communication quotidienne avec la diffusion d’un point quotidien sur l’évolution de la situation épidémiologique dès le 24 janvier 2020, le gouvernement a également mis en place un système de gouvernance inédit. C’est ainsi que face à l’imprévisible, le Maroc a opté pour l’anticipation et la diligence, avec la mise en place de scénarios et la préparation à l’action au sein d’un comité de Haut commandement. Face à l’inconnu, le Maroc a privilégié le bon sens et l’expertise, avec la mise en place du comité scientifique. Et face au risque économique, le Maroc a choisi la proactivité, avec la mise en place du Comité de veille économique.

Ainsi, l’architecture stratégique de la riposte s’est articulée autour de trois mécanismes. Un comité de pilotage pour assurer le suivi de la situation épidémiologique et prendre les mesures nécessaires. Il comprend notamment les départements de la Santé et de l’Intérieur, la Gendarmerie royale, les services de santé militaire et la Protection civile. Un comité scientifique et technique national auprès du ministère de la Santé, chargé du suivi des aspects médicaux et scientifiques relatifs à cette pandémie et d’apporter l’assise médicale et scientifique spécialisée aux décisions du gouvernement et d’accompagner les évolutions rapides de la situation épidémiologique. Et un comité de veille économique qui associe plusieurs départements ministériels, aux côtés des représentants du secteur financier et des opérateurs économiques, et qui est chargé d’étudier les répercussions de la pandémie sur les plans économique et social et de proposer des solutions pour y faire face. Enfin, lors de cette première phase, il est rappelé que le gouvernement a travaillé en parfaite complémentarité et appui à ces différents comités. Le Conseil de gouvernement a, en effet, tenu ses réunions, avec une cadence plus soutenue, afin d’assurer un suivi rapproché, prendre les décisions nécessaires et accompagner la mise en œuvre des différentes mesures décidées, en plus de la mise en place d’une commission ministérielle dédiée au suivi rapproché de la situation sanitaire économique et sociale, et qui se réunit de façon hebdomadaire et à chaque fois que cela est nécessaire. Des cellules de veille ont été également mises en place au niveau des différents départements ministériels, pour assurer le suivi à tous les niveaux des répercussions de cette pandémie et les traiter, est-il souligné.

Temps 2 : résistance collective, action d’urgence et de lutte contre la propagation du virus
Dans le deuxième temps, allant du 2 mars au 25 mai 2020, c’était la résistance collective, à travers le confinement général au niveau national. Selon le gouvernement, ce Temps 2 de l’action d’urgence et de lutte contre la propagation dans le cadre du confinement général a connu une mobilisation exceptionnelle de l’ensemble du peuple marocain derrière le roi, avec une attention particulière portée aux professionnels en première ligne, principalement le personnel de santé, d’hygiène et de sûreté. Ainsi, l’intervention publique dans cette phase s’est articulée autour d’un appui immédiat, une montée en force des capacités, la création du Fonds spécial pour la gestion de la pandémie de la Covid-19, la distribution des aides aux personnes physiques et morales et le renforcement permanent des moyens d’intervention et de riposte.

En effet, en plus de l’action sanitaire, la sécurité et l’assistance territoriale ; la prise en charge médicale immédiate des cas positifs et la mise à disposition de numéros et dispositifs d’urgence et toutes les mesures qui ont été prises sur le plan social (Voir article à côté), c’est en ce moment que le gouvernement a engagé la bataille économique où les entreprises étaient au cœur des dispositifs de soutien. C’est ainsi que pour les entreprises, particulièrement les TPME, ainsi que les professions libérales dont les activités ont été grandement entravées, voire arrêtées dans certains cas, le gouvernement a pris des mesures réparties sur quatre volets : l’allègement des charges, le soutien à la trésorerie des entreprises, l’appui à l’investissement et la facilitation de l’accès aux marchés et aux prestations numériques au profit des entreprises. Concernant l’allègement des charges, le document rappelle qu’il a été procédé immédiatement après l’annonce de l’état d’urgence sanitaire, au profit des professionnels, notamment à travers : la suspension du paiement des charges sociales jusqu’au 30 juin 2020 ; la mise en place d’un moratoire pour le remboursement des échéances des crédits bancaires et pour le remboursement des échéances des leasings jusqu’au 30 juin sans paiement de frais ni de pénalités ; la possibilité pour les entreprises dont le chiffre d’affaires de l’exercice 2019 est inférieur à 20 MDH, de bénéficier si elles le souhaitent d’un report du dépôt des déclarations fiscales jusqu’au 30 juin 2020 ; et la suspension des contrôles fiscaux et des ATD jusqu’au 30 juin 2020. Pour ce qui est du soutien à la trésorerie des entreprises, il a porté sur trois mesures.

Primo, l’accélération des paiements au profit des entreprises, en particulier les PME et les TPE, et ce, pour réduire la pression sur leur trésorerie et leur permettre de remplir leurs obligations financières. Secondo, la mise en place auprès de la Caisse centrale de garantie (CCG), d’un nouveau mécanisme de garantie appelé «DAMANE OXYGENE», destiné aux entreprises dont la trésorerie s’est dégradée à cause de la baisse de leur activité et dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 200 MDH, ou est situé entre 200 et 500 MDH. Ce nouveau produit de garantie vise la mobilisation de financements bancaires supplémentaires et couvre 95% du montant du crédit. Et tertio, la mise en place d’un crédit à taux zéro pour les auto-entrepreneurs, impactés par la crise de la Covid-19, pouvant atteindre un montant de 15.000 dirhams. Ce crédit, disponible dès le 27 avril 2020, est remboursable sur une période pouvant aller jusqu’à 3 ans avec un délai de grâce d’un an. S’agissant du soutien de l’investissement et de facilitation de l’accès aux marchés, il a également porté sur trois mesures. Un : le lancement du programme «Imtiaz technologies» pour appuyer les TPME investissant dans la fabrication de produits et équipements permettant de faire face à la pandémie Covid-19 et permettre à ces entreprises de bénéficier de financements à hauteur de 30% du montant global de l’investissement, plafonné à 10 MDH pour les PME et 1,5 MDH pour les TPE. Deux : la prise de mesures d’accompagnement au profit des établissements et entreprises publics pour garantir la souplesse dans la gestion, notamment en ce qui concerne les budgets, le respect des dépenses d’investissement et de fonctionnement et la réalisation des marchés, afin de préserver la contribution de ces établissements et entreprises à la dynamisation de la vie économique. Et trois : la simplification de l’accès des entreprises aux marchés et à la commande publique à travers le portail de la commande publique et la numérisation de certaines procédures. Parallèlement, le gouvernement a également engagé la rationalisation des dépenses publiques : les ressources disponibles sont alors réservées aux impératifs dictés par les répercussions de la pandémie jusqu’à fin juin 2020. Les crédits afférents aux dépenses non nécessaires, comme les dépenses de transport et de déplacement, la gestion des parcs automobiles, ou encore les dépenses relatives aux cérémonies et manifestations internationales sont gelés. Et afin de répondre de manière proactive aux besoins de financement, le gouvernement a adopté le décret-loi 2.20.320, relatif au dépassement du plafond du financement extérieur tel que fixé par l’article 43 de la loi de Finances n° 70.19 pour l’année budgétaire 2020.

Cette autorisation a permis au gouvernement de relever le plafond des financements extérieurs de manière urgente et exceptionnelle, afin de recourir aux institutions et marchés financiers internationaux pour lever des fonds et, partant, disposer des devises nécessaires pour l’acquisition des biens et services, particulièrement les produits de base, les dispositifs et équipements médicaux, les médicaments, les produits alimentaires, énergétiques et autres. C’est dans ce cadre que le Maroc a eu recours, en date du 7 avril, à l’utilisation de la totalité de la ligne de précaution et de liquidité du Fonds monétaire international, soit l’équivalent de 3 milliards de dollars remboursables sur 5 années, avec une période de grâce de 3 années. Pour permettre au système bancaire de participer à l’effort de soutien de l’économie nationale, Bank Al-Maghrib a également pris une série de mesures, telles que la baisse du taux directeur principal de 2,25 % à 1,5% ; la possibilité de recours par les banques à l’ensemble des instruments de refinancement disponibles en dirhams et en devises ; l’extension à un très large éventail de titres et effets acceptés par Bank Al-Maghrib en contrepartie des refinancements accordés aux banques ; l’allongement de la durée des refinancements ; et l’intégration des crédits de fonctionnement aux côtés des crédits d’investissement dans le cadre du refinancement des entreprises.

Temps 3 : déconfinement et Loi de finances rectificative
Le troisième temps, allant du 25 mai au 20 juillet 2020, a été marqué par deux faits majeurs : l’annonce du plan d’assouplissements, médiatiquement connu sous le vocable de «déconfinement», et l’approbation par le Parlement du projet de loi de finances rectificative (PLFR), en date du 20 juillet 2020. Rappelons que le «déconfinement» a été minutieusement organisé en trois étapes progressives. En parallèle, la poursuite de la reprise des activités a été actionnée, avec un suivi minutieux de la situation épidémiologique et la maîtrise des nouveaux foyers de contamination. Le PLFR a été mis en chantier, et les manuels et les guides de reprise des activités élaborés et communiqués. L’objectif étant pour l’Exécutif, de poursuivre la continuité de service, en mettant en œuvre son programme gouvernemental, avec les adaptations convenables au vu de la situation sanitaire. La promotion de l’investissement, de l’emploi et de l’économie, impératifs de reprise, s’est poursuivie. C’est ainsi, que la loi de finances rectificative 2020 a maintenu le volume de l’investissement public, malgré le contexte difficile, afin de soutenir la demande, et améliorer l’offre, en intégrant la nécessité d’accompagner des secteurs identifiés comme étant prioritaires. Le gouvernement a également œuvré à dynamiser le tissu productif et à préserver les emplois, particulièrement dans les secteurs les plus touchés. Malgré tout, il savait qu’il allait vers une récession sans précédent.

Temps 4 : préparation de la relance, tout en contenant les chocs épidémiologiques
Dans le quatrième et dernier temps, qui couvre la période allant du 20 juillet au 31 décembre 2020, le gouvernement déclare qu’il y a plusieurs dates clés à retenir : celles des discours du roi, notamment celui de Trône en juillet, de la commémoration de la «Révolution du roi et du peuple» en août, et de l’ouverture du Parlement en octobre ; celles des réunions tenues sous le patronage royal, telle que celle du 9 novembre, dédiée à la mise en place du plan national de vaccination ou encore les instructions du roi pour la mise en place de la gratuité des vaccins en décembre. Autrement dit, ce Temps 4 intitulé «la préparation de la relance économique, tout en tenant les chocs épidémiologiques», était axé autour de la poursuite de l’action sanitaire, la mise en place des dispositifs de relance économique, le maintien des engagements sociaux et l’accélération des programmes de réformes de l’administration et de la gouvernance. C’est ainsi que, sur le plan sanitaire, le plan national de vaccination a commencé à prendre forme, avec, notamment, l’aboutissement de l’opération de prospection des vaccins adéquats, et, sur le plan économique, social et de gouvernance, de nombreuses mesures inédites sont instituées dans la loi de Finances 2021, après la présentation, par le gouvernement, d’un projet ambitieux, et l’intégration des amendements clés, dans une interaction nationale, proposés par les forces vives de la nation, représentées au sein des deux Chambres du Parlement. Rappelons que la loi de Finances 2021 s’est fixé quatre principaux objectifs : la relance du tissu productif, l’institution d’une contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et revenus au titre de l’exercice 2021, l’appui aux professionnels à revenu limité, la relance du marché de l’emploi et l’encouragement de l’auto-entrepreneuriat. Cette dernière mesure vise notamment à lutter contre le fléau de l’informel qui gangrène le royaume. 

Aziz Diouf / Les Inspirations Éco



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